Né en 1937 à Osaka, Takesada Matsutani est l’un des artistes les plus singuliers de l’avant-garde japonaise d’après-guerre, dont l’œuvre, d’une rare intensité spirituelle et physique, tisse un pont organique entre l’Orient et l’Occident, le geste et la pensée, le souffle et la forme.
Formé à l’école des Beaux-Arts de Kyoto, Matsutani est très tôt attiré par les potentialités expressives de la matière. En 1960, il rejoint le mythique groupe Gutai, ce collectif révolutionnaire fondé par JirÅ Yoshihara, qui prône l’expérimentation, la liberté du corps, et la rupture radicale avec les conventions esthétiques. Mais déjà, Matsutani se distingue : souffrant de tuberculose, contraint à une immobilité prolongée, il développe une pratique introspective, quasi méditative, où le latex devient souffle, tension, peau. Il n’éclabousse pas la toile comme ses pairs — il la fait respirer.
Son médium fétiche, la colle vinylique, qu’il applique en couches épaisses, gonfle, se craquelle, palpite : la surface devient chair. Ces formes bulbeuses, ambiguës, à la fois sensuelles et abstraites, évoquent tour à tour le sexe, la blessure, la naissance. Une œuvre charnelle, viscérale, qui convoque l’impermanence bouddhiste autant que les obsessions organiques de l'art occidental post-surrealiste.
En 1966, Matsutani quitte le Japon pour Paris, où il s’installe et commence une collaboration décisive avec le galeriste Raymond Cordier, puis avec la galerie du philosophe Michel Tapié. Très vite, il intègre l’atelier de gravure de Stanley William Hayter, Atelier 17, où il approfondit sa recherche de la ligne et du noir — non plus comme absence de lumière, mais comme concentration d’énergie.
L’œuvre de Matsutani évolue alors vers des formes plus épurées, presque liturgiques. À l’enflure succède la retenue. Il trace de longues lignes de graphite, noires, patientes, rituelles, souvent sur fond blanc ou sur ses propres empreintes de latex. Ces lignes deviennent mantra, souffle vital, affirmation de la continuité dans la répétition.